Le Museum-Aquarium de Nancy

Alors après, ça se discute. Bien sûr que ça se discute. Même la couleur des yeux du cheval blanc d'Henri IV se discute. Moi, on m'avait jamais vraiment expliqué le Museum-Aquarium de Nancy. Donc, c'était juste une grande façade aveugle mussolinienne. Note quand même que rien qu'en la qualifiant ainsi, j'en fais quelque chose de pas banal.

Quand il a montré le bout de son "procédé Rocpierre" de pierre reconstituée, et dévoilé sa pierre d'Euville, ce bâtiment a pourtant fait sensation, et pas juste à Nancy. Dans le monde de l'architecture, les frères André, fils de l'Emile André, architecte de l'Ecole de Nancy, font parler d'eux en 1933 avec ce projet. A l'origine, c'est un institut de zoologie, qu'on crée. Un institut de zoologie qui va compter un musée d'histoire naturelle. Et ces collections ne supportant pas la lumière, on se retrouve bien vite avec la contrainte d'une façade aveugle, contrainte dont les deux jeunes architectes prendront leur parti, et feront une force. Le résultat, en 1933, entre les mains de l'entreprise France Lanord & Bichaton, incontournable à Nancy, est novateur dans l'Hexagone, et trimballe pourtant avec lui un grand nombre de références universelles, dont la civilisation grecque, obsédée du motif et de la peur du vide, n'est pas la moindre.

Et va comprendre, depuis, je ne passe plus devant en étant aussi indifférent qu'avant. Et je ne l'étais déjà pas beaucoup. J'étais juste dubitatif. Maintenant, je commence à être attiré. Voilà comment après trente ans, on peut encore se faire dévoiler, et découvrir vraiment un bâtiment majeur de sa ville. Côté cour, on est dans le Jardin Godron. Qui s'accorde bien aux lieux, et dont la végétation donne parfois une vision de la façade arrière, faut-il le dire, au profit de sa saleté (elle mériterait un bon coup de frais), qui se rapproche de celle d'un genre de temple tribal perdu dans une quelconque jungle parcourue avec une machette, un fouet, un chapeau, peut-être bien à la recherche d'un diamant vert, en slalomant entre les crocodile (Dundees or not).

Pour finir, ou plutôt pour bien commencer, allez lire l'article synthétique mais complet de Caroline Bauer, qui n'a pas comme moindre vertu que de proposer une iconographie intéressante, en particulier à propos des avant-projets. Et pour prolonger, le site de l'actuel museum-aquarium qui contient toujours la collection d'histoire naturelle qui a terrifié et fasciné plein de petits Nancéiens. Bien sûr les poissons tout ça, dans une ambiance que personnellement j'ai toujours bien aimé: je m'y endors invariablement dans un coin en observant dans l'obscurité les poissons lumineux ou illuminés, et c'est un endormissement lié à l'aspect si paisible des lieux. Et puis, des expos temporaires parfois un peu vides, d'autres fois intéressantes, si ce n'est carrément rigolotes, ou comment aborder la science sans trop se prendre au sérieux. Enfin, des conférences dans l'amphithéâtre. Dans pas longtemps, y'en a une sur les champignons par exemple. Les champignons, encore un truc auquel on ne connaît rien. Quand tu as un peu lu sur les champignons, n'importe quel film d'envahisseurs parasites extraterrestres, c'est de la fadasserie pathétique, à côté. Les champignons rulz, et on a tout intérêt à ce qu'il ne se mettent pas en colère contre nous un d'ces jours. Il faut le savoir. Sauf les trompettes, qui sont bien gentilles dans la blanquette, ou les paupiettes, par exemple. Mais c'est (encore) une autre histoire.

(photos de septembre 2011)