Je suis toujours à vélo. En arrivant à Neuves-Maisons, par le canal, on ne peut éviter de tomber sur la tréfilerie puis l'aciérie électrique.
C'est un coin qui me plaît. J'ai un très bon camarade qui a grandit à l'ombre des hauts-fourneaux, puis de l'aciérie électrique quand ils furent démolis. Quand je l'ai connu, il vivait toujours là. Et le bruit du parc à ferrailles, familier.
Il m'a fait voir des tas de coins de son enfance ici, et m'a raconté un peu tous les changements et destructions qui accompagnèrent le cassage de gueule de l'activité minière et sidérurgique dans cette petite ville si proche de Nancy. Parce que, en grandissant ici, tu a été marqué par les fêtes au bord de la Moselle encore sauvage, avec ses tas d'anses propices à la vie au bord de l'eau, et puis aussi par les pentes du plateau de Pont-Saint-Vincent, la forêt, l'aérodrome et le fort Pelissier, en haut. Mais tu as forcément aussi été abreuvé de sidérurgie, d'industrie lourde, de mines, de flammes, de fumée. Dur de passer à côté.
Et si je suis attiré de manière un peu obsessionnelle par le monde et les paysages industriels, en friche ou en activité, c'est en partie au temps passé depuis dix ans à Neuves-Maisons que je le dois.
Neuves-Maisons, ici, il ne reste plus grand chose. Toutes les mines sont fermées depuis belle lurette, et la SAM, l'aciérie qui reste là, flotte au gré des courants comme elle peut. Le Central, bistrot où je prenais il y a quelques petites années encore mon café, à sept heures, quand mon bus me débarquait à Neuves-Maisons, avant d'aller au boulot, a été rasé. On y entendait encore les échos de la vie ouvrière. Mais ce n'étaient que des échos. Leur pâleur était agonie.
Rassemblement de tous ces braves gens
Ils sont venus de toute la Lorraine
Pour protester contre les licenciements
[...]
Oui notre lutte a été un succès
Au fond au jour poursuivons le combat
Unissons-nous comme au fond de la mine
Alors ainsi, nous retournerons mineurs