samedi 29 avril 2006

Entre Toul et Nancy (nous sommes tous des Parisiens!)

Quand tu reviens de Toul, comme moi qui y bossait y'a encore peu, tu emprunte la dernière partie du Paris-Nancy (et Strasbourg...).

C'est marrant, parce que tu te retrouves pour un gros quart d'heure avec des mecs en costards qui descendent ou reviennent de la capitale, toi, simple bosseur, et encore, réfractaire. Ils ont leur portable ouvert, ils font des trucs complexes dessus, des comptes ou quoi, vaguement sous Excel, et toi tu lis un bouquin de merde pour passer le temps.

La grande différence, c'est que toi tu souris, alors qu'eux, qui ont, en plus de leur costard et de leur PC, trois heures de train dans les pattes, ils tirent invariablement la gueule.

Ah, tiens, voilà Liverdun.

L'ambiance se détend, ceux qui savent préparent leurs affaires et tout. Mais ceux qui savent vraiment, comme il fait beau, ils regardent par la fenêtre comme le train semble vler en traversant la Moselle, comme Liverdun se livre avec générosité du haut de sa falaise.

Il vaut mieux, du point de vue du quidam moyen, parce que après, c'est Frouard, et Frouard, c'est la dèche niveau jolies vieilles pierres perchées. Enfin, pas tant que ça, mais pas vu du train en tous cas...

Celà dit, Frouard, ça a son charme vu du train, on longe pas mal de vieux entrepôts mortibus, de vitres cassées, on sent que la grosse ville n'est pas bien loin, elle suinte sa rouille sur ses marges et on est en plein dedans. Frouard, c'est la poubelle de Nancy, en un sens, même si on trouve des manoirs, des anciennes mines et même de belles Siciliennes sur les hauteurs.




A Frouard, ce qui a marqué une amie Serbe en provenance de Metz, lors de son premier séjour en Lorraine, loin de la grise mais si belle Belgrade, c'est les silos. Des tas de silos. Je sais pas si ça se fait les silos, en Serbie, mais elle ne s'en remettait pas. Pourtant, c'est rien de plus qu'une bombe à retardement biologique, un gros cube en béton sans fissures, théoriquement, qui reste bien à sa place et ne bouge que le jour où on l'abat. En tous cas, les silos, à Frouard, ça se fait.





Après c'est Champigneulles. Chouette nom. En plus y'a une brasserie. Kronenbourg. Mais c'est fini. Fermeture programmée, Kro regroupe ses activités ailleurs. Merdasse. Un gars me disait y'a pas si longtemps que d'aller en Alsace, franchement, les salariés, ils sont idiots de gueuler. En Alsace. C'est pas loin. Facile. Quand t'as les dettes de ton pavillon à la con, tes amis, tes voisins gentils, tes voisins cons, putain, c'est tout un monde, c'est une rue, un rue c'est un monde, forcer les gens à partir, même à 10 bornes, c'est déjà la fin d'un monde. Je connais des gens à Neuves-Maisons, l'été il sont dehors sur le banc, ça piaille de partout, ça gueule même, ça cancane, mais en attendant, c'est du bonheur. Et c'est pas au Neuhoff à Strasbourg que t'auras ta petite vie de quartier. Petite mais vie. Alors le gars qui me disait ça, j'ai préféré pas lui répondre, plutôt que de lui chier à la gueule.

La peur peut-être?

Ouais, ouais.

Le Faubourg, mon amour, novembre à Nancy, mon amour...


Mon quartier, les III Maisons à Nancy.

Un jour j'ai lu qu'il s'appelait ainsi parce que lors de la destruction du village de Saint-Dizier, sur son emplacement, il ne restait que trois maisons.

Maintenant y'en a beaucoup plus. Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est pas toujours aussi gris, aussi triste.

Mais ce jour-là, le chemin le long du canal avait ses mauvais airs de mauvais jours. C'était encore un novembre, bah tiens. Novembre, c'est toujours l'horreur. A tous les coups. J'aime bien le nom de ce mois, pourtant. Il ronronne. Mais dehors, tout crève, en attendant.

Tous les petits passages deviennent pisseux, pourtant, avec le froid naissant, ils ne sentent plus l'urine. Il pleut assez pour que de toute manière la pisse se délaye sans grande difficulté dans une boue hargneuse et collante.

Bah n'empêche qu'en attendant, le jour où ce chemin du canal sera goudronné, je serai le premier à gueuler.
Mais j'adore gueuler.

Z'avez vu la boîte aux lettres, au premier plan? Je l'aime bien. Elle est posée, et elle y reste. Voilà. Une boîte en ferraille réduite à sa plus simple expression, le haut à peine en pente pour qu'on se souvienne que c'est lié au foyer, à la maison, au toit. Suffisant pour être content, de la voir inexpugnable, inamovible, malgré son obsolescence.

Et puis le long du canal y'a aussi les vieux garages avec leurs toits entremêlés, sur la frange du Faubourg. En été, devant, y'a des gens qui bricolent des scooters, des mob', des caisses, parfois en écoutant RTL un peu trop fort. J'adore cet endroit. Sur le parking d'à côté, toujours vide, leurs mômes ou leurs p'tits frères tapent le foot en faisant gaffe de pas foutre le ballon à l'eau.
Et vas-y qu'ça gueule, qu'ça se bastonne gentiment.
Le soir, les parents, on les retrouve assis sur le petit trottoir au bord du canal en train de se boire une mousse à la bouteille ou quoi. C'est beau à voir.

Après quand tu zones au bord du canal, près des garages, y'a des bancs qui donnent au-dessus de l'eau, comme un peu des belvédères mais au niveau du sol. De l'autre côté, y'a quoi à voir? Bah déjà les immeubles industriels en pleine réhabilitation. Déjà ça. Le long de l'ancienne voie ferrée. J'en ai visité un une fois, parce que j'ai failli habiter dedans. Ils sont jolis. Tout blancs avec des grandes pièces, même si les couloirs à l'intérieur de l'immeuble, on dirait un décor prévu pour un film, une scène de viol dans un passage souterrain... par exemple.



A l'époque de ces photos, j'habitais rue Charles de Foucault. Déjà j'étais près du canal. Il me suit. Il m'en veut. De toute façon, pour moi, vivre à Nancy, c'est vivre près du canal, ou de la Meurthe, ou du Bras vert. Avec le Plateau quelque part. Si j'ai pas le Plateau de Malzéville dans mon champ de vision, je me ratatine.
Mais rue Charles de Foucault, c'était fameux tous ces vieux immeubles maintes fois inondés par la Meurthe, parfois, on se croyait, n'était le trafic infernal de cette rue, retourné dans les années 50. Même les gens, ici, ils étaient années 50...

vendredi 28 avril 2006

Nancy-sur-spleen


Parfois, en Novembre, je me dis que Nancy c'est pas mal de déséspoir. Que c'est la ville et qu'il va faire nuit pendant des mois.

Que tout se ferme, les volets, là-bas, le long de l'ancienne voie ferrée, en allant vers Malzéville bah les volets ils sont clos, parce que les maisons elles sont vides et parce que les vies elles se enfuies.

Ici c'était le 45t, tu sais pourquoi, toi? Moi non. Et plsu personne ne nous le dira, puisque bientôt les pelleteuses, elles vont venir lui faire la fête au 45t, et le 45t ce sera plus qu'un parking neuf et sale. Sale parce que même clinquant, c'est toujours sale un parking.






Les pas dérivent vers la station d'épuration, toujours le long des voies, et ça se finit plus. Et là, bah là y'a cette station service qui insiste, sinistre, à me rappeller que ma ville, c'est aussi une ogresse.

Vic-sur-seille, l'église

Vic-sur-Seille se niche à mi-chemin entre Nancy et Sarrebourg, attendant tranquillement que ça se passe sous ses vignes dont on tire on honnête vin de pays mosellan.



Edifiée entre le XIIème et le XVIème siècle, cette église porte de nombreuses traces de remaniements. Elle a un aspect tapi dans l'ombre que j'aime assez, comme si elle se préparait à bondir pour manger le quidam qui passerait dans la petite ruelle sombre qui la borde.

Nancy sous Nancy

Ah oui, dès fois comme ça, y'a des photos qui tombent sous le sens.

La Vieille Ville, tiens, à Nancy, c'est un endroit qui a des charmes...



Mais, et s'il faut sacrifier au... euh... à quelque chose, quoi, ce jour-là, c'était la vieille ville sous la Vieille Ville qui m'intéressait. En effet, on venait à grands coups d'engins bruyants de casser un grand bâtiment afin de pouvoir agrandir l'école des mecs doués en sciences juste à côté. Et là, yôp, comme diraient les Alsaciens (que je salue au passage), v'là-t-y pas que sous le machin, y'a des murs.

Mais genre des murs mortels et tout, vieux, tout jaunes, des murs que déjà t'es un peu calmé si toutefois tu faisais le fier.

Ceux qui étaient bien emmerdés, je suppose, c'étaient les administrateurs de l'école et les entreprises ayant emporté le marché.

A cette occasion, je les envoyai se faire foutre mentalement et commençai à me gaver en regardant ces ruines qui sortaient magiquement de terre. On y faisait de l'archéologie, malheureusement de secours, puisque le bâtiment serait construit coûte que coûte.

Mais celà ne dit pas au lecteur de quoi il s'agissait. En cet endroit, nous sommes pile dans l'axe latéral de la Porte de la Craffe, à quelques dizaines de mètre de là. Donc, et surtout parce que j'avais un panneau explicatif sous les yeux, il ne me fut pas bien difficile d'y voir un reste des murailles de Nancy que les rois de France, après nous les avoir fait démonter et remonter un nombre impressionnant de fois, décidèrent enfin un jour de conserver au niveau 0, soit nul, soit inexistant, queud', nib, nista. Les murs droits que l'on voit sur la photo sont en avant de la muraille d'origine. Ils correspondent à une seconde carapace bastionnée qui fut ajoutée au XVIème et au XVIIème siècle, adossée à la muraille médiévale primitive.

En vis-àvis, des structures plus anciennes, l'appareil est plus grossier, plus irrégulier, on voit nettement la base d'une tour ronde datant probablemet du XIVème ou du XVème siècle.

Je trouve vraiment fascinant que cette structure ait été présente juste là, juste sous les pieds des étudiants, à quelques centimètres sous le parking. Malheureusement, elle est aujourd'hui à nouveau ensevelie, ce qui pouvait être sauvé, d'après les critères actuels de l'archéologie de sauvegarde, qui sont réduits à une peau de chagrin, l'a été.

Nancy-Manhattan qu'y disaient...




C'est marrant comme la perception de l'endroit où l'on vit change vite.



Très vite, selon les images qui s'intercalent entre nous et lui.



Je me promenais définitivement le long du viaduc Kennedy et puis quand même, le building Thiers, sa grande silouhette idiote qui fait semblant d'y croire aussi, bref, tout ça, la gare Saint-Léon, toute moche de verre et de froideur, ça m'a donné à réfléchir. Alors j'ai parcouru bêtement le "Manhattan nancéien", comme l'a appelé sans grand génie notre journal local, en essayant de penser parfois à l'ancien quartier populaire qui vivait là avant ces maudites vélléietés abouties de tout casser à la fin des années 60.
Avant, des maisons du XIXème siècle pas très salubres faisaient tapisserie sur un fond un poil violent de proxénétisme. Mais avant y'avait aussi de la rue dans la vie, et inversement, parce que les magasins qui traînaient dans le coin étaient faits pour les gens, pas pour les consommateurs. On ne répare pas, on ne réhabilite pas en fonction des vivants, on rase et on crée du mort-né. On croit encore, mon bon ami, en ces années d'urbanisme conquérant, que les Trentes Glorieuses vont durer mille ans...

L'avantage dans tout ça, c'est que l'on a créé un monde dans la ville, un monde froid, mais un monde, qui va aider les auteurs de SF des années 80 à se sentir à l'aise pour mon plus grand plaisir. Ça va aussi aider quelques rêveurs pessimisto-visionnaires à avoir envie de casser ce béton pour y mettre du qu'on voit au travers, du verre partout, des bâtiments transparents au possible, construits totalement en dépit du bon sens.
Je suis carrément heureux que des considérations esthétiques viennent s'inviter dans l'architecture urbaine, là n'est pas la question, mais quand celà doit amener à un manque absolu de réalisme, c'est plus grave. Soit on meurt de chaud derrière ces verrières, soit on climatise, débauche d'énergie gâchée, qui aurait été en partie sauvée avec des constructions un peu plus réalistes...
Nos vieux avaient déjà inventé le contrefort avant de penser à foutre des gargouilles dessus, et non l'inverse...
Alors reste le rêve déprimant, mais rêve quand même, que ces structures inspirent. On regarde ces immeubles comme des vitrines, qui d'ailleurs les parsèment. On regarde ces lieux comme des endroits morts et vides où il semble improbable que des dizaines de personnes s'entassent avec morosité.
Et puis moi je dis ça, je juge et je flingue alors qu'on peut y être heureux après tout, et pour jouer aux utilitaristes, les derniers étages ont une vue imprenable sur Nancy, quelque chose de dément. C'est dommage de devoir s'enfermer entre quatre murs de béton pour prendre de la hauteur. Ça nuance vahement le truc du coup.
Mais en attendant, la pire horreur architecturale s'est déroulée près de l'église Saint-Sébastien, qui pose son architecture en équilibre entre le XVIIème et le XVIIIème siècle devant la place du marché, mais qui est encadrée comme par des condés la menant au tribunal par les ailes dégueulantes du centre commercial et galerie itou Saint-Sébastien qui pullule violemment de tout ce qui se fait de pire en terme de mobilier urbain. Certes les Soviétiques ont raté l'urbanisme. Mais au moins dans leur merdes, y'avait de la vie (entre deux pénueries et quelques départs en centre de vacances sibériens...).
Je me rassure en trichant, ce qui ne m'aide qu'à moitié, en prenant l'église sous son meilleur angle, du marché, évitant avec une riante malhonnêteté tous les trucs infâmes qui la côtoient...

(Playlist: Sonic Youth, Jagga Jazzist & Hatebreed)

Messein, maison abandonnée (suite)


L'étage est superbe. En particulier une grande pièce, très éclairée, en bon étant. Rassurés sur la solidité du plancher, nous déambulons avec plaisir tandis qu'en contrebas, à cinquante mètres de là, les camions foncent sur la voie rapide de Messein à Neuves-Maisons.

Une salle de bain pas si vieille que ça, des carreaux bleus pas très jolis, ça ferait presque années 70. Il reste un étage, et là, l'escalier, doublé du vide du premier niveau, devient vraiment limite, mais nous parvenons tout de même à atteindre les hauteurs! Pas de grenier, tout est aménagé et bien dégradé. La toiture est toujours en place, mais ici l'aération semble moins bonne et les infiltrations font leur boulot d'infiltrations. Rien pourtant de catastrophique, pour preuve, le plancher ne pourrit pas encore.
Fameuse, au bout d'un couloir, une baignoire sabot incongrue, bloquée au fond d'un renfoncement, toujours en place...

Nous quittons rapidement les lieux, en étant encore sous le charme du premier étage, pour faire un petit passage par une ancienne station des eaux un peu plus haut vers le Bois de la Grève, avant de retourner vers le canal à grand gabarit, voir les aciéries et le parc à ferrailles de Neuves-Maisons.

Messein, maison abandonnée



Arriver dans cette barraque n'est pas une évidence.

Seb m'en parle depuis un moment, lui qui a grandi dans ce coin. Elle n'est pas neuve, elle s'est érigée, peut-être d'elle-même, près d'une route, et la route est devenue une grande route, et y'a eu un carrefour, et puis aussi une voie rapide, un pont, du bordel.

Maintenant, elle est seule, isolée sur un minuscule îlot en friche, entre les poids lourds lancés à pleine vitesse et les voitures qui se faufilent.

Mais elle est sérieusement parfaite.

Je ne ressens pas l'excitation de certaines autres explorations, mais je me contiens. Je suis heureux tout de même. La lumière est mauvaise, crevée, il fait lourd et humide. Je me demande cinq minutes comment je vais faire des photos potables avec ça.

Mais dans la série même pas peur, je laisse tous les doutes de côté et décide d'en profiter.

Le perron, derrière une entrée en véranda absolument charmante, indique une date: 1912. Malgré pas mal de recherches, pas moyen d'en savoir beaucoup plus sur cette barraque. Seulement que Seb l'a toujours vue abandonnée depuis 28 ans qu'il la connaît. Admettons qu'il ne la distinguât (euh... Béschereeeeelle!) pas encore bien quelques jours après sa naissance, certes, mais à dix ans, il l'avait sûrement déjà aperçue. Allez, depuis 18 ans.
Pas mal de débris qui traînent, la maison, murée un temps, est facilement accessible. Chouette. Peu d'humidité. C'est ce que je pense de suite. Pas d'odeur de moisi qui saisit, rien de tout celà. Du bordel, comme toujours. Un petit hall d'entrée, une pièce à droite, une dans le prolongement. Au fond un décrochement et visiblement l'emplacement d'une cuisine. Je pense qu'il manque une cloison. Tout est sain, le compteur électrique et les interrupteurs datent très probablement des anées 50. Peut-être un peu plus tard. Je ne suis pas électricien non plus.
La cave, ouverte à tous les vents. Tout a été pillé ici, il ne reste rien du tout. Peu de tags par contre. Il reste une vieille chaudière d'une taille respectable, avec des instructions en allemand. Pas neuve la bestiole. Nous remontons au rez-de-chaussée pour trouver l'escalier. Un peu craignos. Sa structure est solide, mais les marches manquent, ainsi, nous montons en appui sur le mur opposé, utilisant le squelette en bois pour poser nos pieds comme sur un escalier pour nabots géants et étroits.
Me suis-je bien fait comprendre?
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