lundi 18 mai 2009

Le Bois Brûlé, suite...


On passe côté français. 50 mètres en face des installations bétonnées du billet précédent... sortie le long du parapet allemand, et avance dans le court no man's land, où les arbres ont repoussé, où l'humus s'accroche à nouveau, vers le créneau d'un poste de tir de la première ligne française, reconstituée. Drôle d'impression.

La tranchée française, plus rudimentaire, serpente face à la "forteresse" allemande. Les deux premières lignes sont à portée de grenade l'une de l'autre. Le poste de tir est simple.



Un petit coup d'oeil vers le no man's land par le créneau français... un petit frisson le long du dos...







Et les pas font à nouveau crisser les feuilles mortes qui ont passé l'hiver. Sortie de la tranchée vers le bout du chemin de la Croix des Redoutes.



A quelques mètres, des réalités brisées.



A quelques dizaines de mètres, la Croix des Redoutes. La litanie reprend...





Paraît-il...







écrivait Franz Blumenfeld... octobre 1914? Déjà...? Qu'est-ce à dire?

« _ Vois ! me dit Ravaud.

Il a posé une main sur mon épaule, et son bras étendu me montre, près de nous, debout sur le bord du fossé, la haute silhouette d’une croix : celle qui garde la tombe des artilleurs. Nous nous sommes arrêtés. La voix sourde et lointaine, il parle :

_ Encore une !… là-haut, dans le champs, à peine a-t-on quitté la route, qu’on butte contre elles, à chaque pas. On n’ose plus marcher, ni avancer, ni reculer. Tout-à-l’heure, dans la nuit qui venait, il y a eu un moment où j’ai cru que la surface du champ remuait… Allons-nous-en.

[...]

_Mais j’entrevois [me dit Ravaud], un malheur pire que ces massacres… peut-être, ces malheureux seront-ils très vite oubliés… tais-toi, écoute : ils seront les morts du début, ceux de 14. Il y en aura tellement d’autres ! Et sur ces entassements de morts, on ne verra que les derniers tombés, pas les squelettes qui seront dessous… qui sait, même ? Puisque la guerre, décidément, s’accroche au monde comme un chancre, qui sait si ne viendra pas un temps où le monde aura pris l’habitude de continuer à vivre avec cette saleté sur lui ? Les choses iraient leur train, comprends-tu, la guerre étant là, tolérée, acceptée. Et ce serait le train normal des choses que les hommes jeunes fussent condamnés à la mort.
Il se tait. Nous entrons en forêt. Je distingue à peine sa silhouette.
_Mon mal, vois-tu, a été de comprendre un peu plus tôt que beaucoup d'autres que cette guerre allait durer, durer...
C'est entré en moi comme un choc, si brutal que j'ai été tout de suite démoli... Mais ça passera. Je me reprendrai.
»

(Maurice Genevoix, 21 octobre 1914)



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