Nous voici au cimetière militaire de Vitrimont, aux abords de Lunéville, sur le Mont Saint-Evre. Avec plein de gentils garçons de 14. Du début. Enterrés là loin des parterres de morts touristiques de Verdun. Dans un coin de campagne ondulée et un peu triste. De ceux qu'on a oublié sous le poids de batailles plus "glorieuses". Et quelques autres, qui les ont rejoint après, comme Jacob Nahon.
«Mais j’entrevois [me dit Ravaud], un malheur pire que ces massacres… peut-être, ces malheureux seront-ils très vite oubliés… tais-toi, écoute : ils seront les morts du début, ceux de 14.
Il y en aura tellement d’autres ! Et sur ces entassements de morts, on ne verra que les derniers tombés, pas les squelettes qui seront dessous… qui sait, même ? Puisque la guerre, décidément, s’accroche au monde comme un chancre, qui sait si ne viendra pas un temps où le monde aura pris l’habitude de continuer à vivre avec cette saleté sur lui ? Les choses iraient leur train, comprends-tu, la guerre étant là, tolérée, acceptée. Et ce serait le train normal des choses que les hommes jeunes fussent condamnés à la mort.»
(21 octobre 1914)Maurice Genevoix, Ceux de 14, Livre II, pp. 302-303
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