vendredi 28 avril 2006

Nancy-Manhattan qu'y disaient...




C'est marrant comme la perception de l'endroit où l'on vit change vite.



Très vite, selon les images qui s'intercalent entre nous et lui.



Je me promenais définitivement le long du viaduc Kennedy et puis quand même, le building Thiers, sa grande silouhette idiote qui fait semblant d'y croire aussi, bref, tout ça, la gare Saint-Léon, toute moche de verre et de froideur, ça m'a donné à réfléchir. Alors j'ai parcouru bêtement le "Manhattan nancéien", comme l'a appelé sans grand génie notre journal local, en essayant de penser parfois à l'ancien quartier populaire qui vivait là avant ces maudites vélléietés abouties de tout casser à la fin des années 60.
Avant, des maisons du XIXème siècle pas très salubres faisaient tapisserie sur un fond un poil violent de proxénétisme. Mais avant y'avait aussi de la rue dans la vie, et inversement, parce que les magasins qui traînaient dans le coin étaient faits pour les gens, pas pour les consommateurs. On ne répare pas, on ne réhabilite pas en fonction des vivants, on rase et on crée du mort-né. On croit encore, mon bon ami, en ces années d'urbanisme conquérant, que les Trentes Glorieuses vont durer mille ans...

L'avantage dans tout ça, c'est que l'on a créé un monde dans la ville, un monde froid, mais un monde, qui va aider les auteurs de SF des années 80 à se sentir à l'aise pour mon plus grand plaisir. Ça va aussi aider quelques rêveurs pessimisto-visionnaires à avoir envie de casser ce béton pour y mettre du qu'on voit au travers, du verre partout, des bâtiments transparents au possible, construits totalement en dépit du bon sens.
Je suis carrément heureux que des considérations esthétiques viennent s'inviter dans l'architecture urbaine, là n'est pas la question, mais quand celà doit amener à un manque absolu de réalisme, c'est plus grave. Soit on meurt de chaud derrière ces verrières, soit on climatise, débauche d'énergie gâchée, qui aurait été en partie sauvée avec des constructions un peu plus réalistes...
Nos vieux avaient déjà inventé le contrefort avant de penser à foutre des gargouilles dessus, et non l'inverse...
Alors reste le rêve déprimant, mais rêve quand même, que ces structures inspirent. On regarde ces immeubles comme des vitrines, qui d'ailleurs les parsèment. On regarde ces lieux comme des endroits morts et vides où il semble improbable que des dizaines de personnes s'entassent avec morosité.
Et puis moi je dis ça, je juge et je flingue alors qu'on peut y être heureux après tout, et pour jouer aux utilitaristes, les derniers étages ont une vue imprenable sur Nancy, quelque chose de dément. C'est dommage de devoir s'enfermer entre quatre murs de béton pour prendre de la hauteur. Ça nuance vahement le truc du coup.
Mais en attendant, la pire horreur architecturale s'est déroulée près de l'église Saint-Sébastien, qui pose son architecture en équilibre entre le XVIIème et le XVIIIème siècle devant la place du marché, mais qui est encadrée comme par des condés la menant au tribunal par les ailes dégueulantes du centre commercial et galerie itou Saint-Sébastien qui pullule violemment de tout ce qui se fait de pire en terme de mobilier urbain. Certes les Soviétiques ont raté l'urbanisme. Mais au moins dans leur merdes, y'avait de la vie (entre deux pénueries et quelques départs en centre de vacances sibériens...).
Je me rassure en trichant, ce qui ne m'aide qu'à moitié, en prenant l'église sous son meilleur angle, du marché, évitant avec une riante malhonnêteté tous les trucs infâmes qui la côtoient...

(Playlist: Sonic Youth, Jagga Jazzist & Hatebreed)

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